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La Libre - 20/03/2021
L’intelligence artificielle et l’art numérique entrent au musée sur l’Esplanade de la citadelle de Namur.

Quel est le point commun entre la Tour Eiffel, l’Atomium et le Pavillon ouvert depuis le 13 mars à la Citadelle de Namur ? Structures éphémères conçues pour durer le temps d’une Exposition universelle, elles sont toujours debout et pérennes. Certes, le Pavillon n’est plus à son emplacement initial, Milan, mais il a retrouvé une seconde vie sur l’esplanade de la Citadelle, à côté de l’arrivée du téléphérique en cours de construction. La ville l’a confié à l’ASBL KIKK, déjà connue pour le festival et diverses autres actions autour du numérique qui vient d’y lancer une expo Pop-Up de trois mois, un avant-goût bien alléchant puisqu’on y explore les rapports entre humains et machines.
Dans la “ferme” (le couloir d’entrée), on est dans la “Vallée de l’étrange”, selon un concept japonais développé dans les années 70 qui veut que plus une création nous ressemble, plus elle suscite un malaise : chiens robots “jouant” entre eux, humanoïde aux 62 mimiques dialoguant avec un humain, robot/bras mécanique qui noircit des pages de punitions pour le mal qu’il pourrait faire aux êtres humains (The Punishment de Filipe Vilas-Boas), robots conservés dans le formol et réagissant à divers stimuli.

Du dôme central s’ouvrent alors des niches, sur deux étages, avec encore des œuvres questionnant l’intelligence artificielle.
On se situe à la croisée des arts, des sciences et des technologies, avec des installations conçues par des pointures internationales, comme Ugo Dehaes (Bel), Diemut Strebe (USA), Mélia Roger (Sui), Mathieu Zurstrassen (Bel), Mushon Zer-Aviv (Isr) ou Justine Emard (Fra) (avec une installation poétique présentant la danse d’un robot avec un danseur).
Parmi les œuvres, on trouve ce célèbre deepfake montrant tous les dirigeants du monde semblant chanter ensemble “Imagine” de John Lennon. Une autre création invite à différencier les sons “synthétiques” des voix réelles. Une autre encore se charge, sur base de 800 types de tulipes connus, de créer en temps réel des tulipes qui n’existent pas mais qui évoluent selon le cours... du bitcoin, œuvre tissant ainsi un lien avec la première bulle spéculative connue de l’histoire, qui a sévi aux Pays-Bas au XVIIe siècle : la tulipomania qui vit les prix proposés pour les très rares tulipes striées atteindre ceux d’une... maison.

L’expo montre aussi, de façon inquiétante parfois, que l’IA dépend des informations de base dont elle est “nourrie”, comme ces installations invitant à choisir “les personnes les plus normales”. Le Playground présente, lui, des expériences ludiques : tetris géant, reconnaissance faciale vous projetant dans une œuvre d’art, une œuvre numérique vous transformant en un personnage rappelant La Linea ou encore une balançoire vous immergeant dans le screensaver de Windows 95...

Gilles Bazelaire codirecteur de KIKK

“L’ASBL KIKK, en charge de la gestion du Pavillon, est née voici 10 ans, au départ d’un festival qui vise à promouvoir les cultures digitales sur le territoire belge. Le KIKK Festival attire désormais 30 000 visiteurs et nous cherchions un lieu permanent pour évoquer ces cultures digitales. La Ville de Namur venait de racheter le Pavillon belge de l’Expo universelle de Milan à Besix et disons que nous nous sommes rapidement trouvés en vue de l’occupation du Pavillon pour les prochaines années. Nous travaillons sur ce projet depuis deux ans. Notre but est de donner des clefs pour comprendre le numérique, présenter ce qui se développe dans le monde en termes d’IA, de deep learning, de machine learning... à travers le regard d’artistes, d’entrepreneurs, de créatifs ; pouvoir donner au public un instantané de ce qui se fait pour ensuite, se questionner par rapport à ces enjeux. Le public découvrira donc des projets parfois flippants ou angoissants, d’autres bien plus agréables. Une manière de les appréhender, c’est de les subir, de les consommer, l’autre étant d’en comprendre la dimension pour pouvoir en devenir acteur. Il n’est donc pas question d’en avoir peur mais bien de les démystifier, d’en saisir la globalité de ces applications. On veut aussi casser ce monde créé par des Blancs pour des Blancs qui ont de l’argent mais bien de montrer l’ensemble des dimensions du monde numérique. Avec cet outil, la ville de Namur amène un regard neuf sur le monde actuel, en dialogue avec Terra Nova, les visiteurs pouvant ainsi se plonger et dans l’histoire et dans l’actualité, avec des expositions toujours changeantes à l’avenir, une fois passé cette première phase Pop-Up puis l’aménagement de la future scénographie. On a l’ambition d’aussi viser un public international. En plus, le Panorama, tout à côté, deviendra un restaurant de qualité avec vue imprenable. L’ensemble comprenant l’esplanade, les gradins et le théâtre de verdure va également être rénové.”

Jean Bernard

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